Cho Jewoon ♠

my story ₪ Fermez les yeux. Visionnez un jeune garçon, propre sur lui, vivant dans une grande maison typée occidentale. La mèche de cheveu correctement placée derrière son oreille, il dégageait une aura de jeune maitre. Fils d’une famille riche, né avec une cuillère argent dans la bouche, il avait tout pour lui. Les gens le reconnaissaient, l’enviaient et il adorait ça. Observez bien cette belle vie d’enfant gâté. Car cette vie-là est celle dont rêvait Jewoon depuis tout petit.

Etant né dans une famille plus que modeste, il n’avait pas la joie de se voir avec le dernier objet à la mode à l’école. Il n’était qu’un élève lambda. Un coréen qui ferait ses études, apprendrait un métier, entrerait dans une grande entreprise, si la chance lui souriait. Il se marierait, aurait des enfants et mourrait seul car sa femme ne le supporterait pas. En bref, la vie de beaucoup de coréens – minus le divorce – qui ne font rien pour changer cette triste routine. Il détestait ce chemin déjà tracé pour lui, ce système scolaire qui ne faisait que leur cracher des connaissances à la gueule sans leur apprendre à les utiliser. Il souhaitait autre chose. Quelque chose de fort et excitant.

A la maison, il était seul. Sa mère enchainait le plus de boulots possible pour avoir un peu d’argent de côté même à la fin du mois. Il fallait épargner pour payer les grandes études de leur enfant unique. Une université dans la capitale sud-coréenne n’était pas donnée. Et son père, il était parti dans son bureau miteux depuis le crépuscule. Il se tuait au travail tout comme sa chère génitrice. Alors rapidement, Jewoon apprit à faire à manger seul – faire bouillir de l’eau et y jeter des nouilles instantanées n’était pas très compliqué après tout – à faire le ménage seul, à travailler seul. A vivre seul. Et ce, dès le plus jeune âge. A la maison ce n’était pas la joie, et à l’école non plus. Il était l’enfant pauvre. Le mal-aimé de sa famille. Celui qui ne valait pas la peine d’être chéri. Ça faisait mal, son cœur se brisait un peu plus chaque jour. Il n’avait pas d’ami non plus. Seul. S’il fallait un seul mot pour décrire son enfance, c’était bien celui-là. Il ne pouvait pas non plus échapper aux maltraitances de la part des élèves plus âgés. C’était courant en primaire et au collège de faire s’agenouiller les plus jeunes pour leur montrer à quel point le rôle de sunbae/hoobae était important. Mais être hoobae n’était pas drôle. Ne dis pas un mot, fais ce que l’on te demande et accepte la punition quand il le faut. C’était tout. Tout le monde était au courant de ces actions dans les écoles mais personne ne disait rien. Les professeurs fermaient les yeux et continuaient leurs cours comme si ce n’était qu’un détail dont on pouvait se passer.

Jewoon se sentait alors abandonné et seul. Il y avait des jours où il ne se sentait même plus comme un humain. Alors il prenait une lame et vérifiait parfois si du sang continuait de couler dans ses veines. Jamais les poignets. C’était bien trop dangereux et il voulait juste vérifier, sans aucune pensée suicidaire dans la tête. Il était enfant, il ne comprenait pas.

C’était à son entrée au lycée qu’il se mit à boire, trouvant les bars qui ne demandaient aucune pièce d’identité. Parfois, il se contentait des épiceries ouvertes vingt-quatre heures sur vingt-quatre, achetant à bas prix ces fameuses bouteilles vertes. Mais si la boisson n’était pas assez, il réussit à se procurer de l’herbe à fumer, grâce à un étranger qui vivait dans un certain quartier nommé Itaewon. A petite dose, il ne fallait pas non plus qu’il en devienne accro au point où il ne se contrôlait plus.
Il se lamentait sur son sort, en voulait au karma et à ses ainés à l’école. Il en voulait aussi à ses parents mais se calma bien vite quand il comprit que c’était de par leur absence qu’il y avait de quoi manger le soir, quand il rentrait chez lui après une journée de cours interminable. Il aimait ses parents, tout comme ils l’aimaient. Ce n’était pas une de ces familles complètement détruites, non. C’était juste que leur façon d’exprimer leur amour qui était différente.

Il comprit alors qu’il fallait que cette solitude change.
Dès sa deuxième année au lycée, il changea complètement, prenant un virage à cent-quatre-vingt degrés. Il laissa ses cheveux pousser et créa un personnage qui allait protéger son être faible. Plus jamais on ne lui marcherait sur les pieds, plus jamais on l’ignorerait. Il devint rapidement populaire dans son école, pour être celui qui tient tête aux troisièmes années, et sa réputation grimpa en flèche. Il était devenu important, il était devenu quelqu’un dont les gens se souviendraient. Mais à la fin de sa scolarité, il comprit qu’il avait un nouveau défi à relever. L’université. Il choisit des études de commerce, se disant qu’ainsi il pourra monter sa grande entreprise qui deviendrait une de ces grandes firmes transnationales. Enchainant les soirées, les coups d’un soir, il n’en négligeait pas pour autant ses études, voulant rendre au moins une partie de l’aide que ces parents lui ont donnée.

Mais il comprit bien vite que ce système de cartes était problématique. Il ne voulait pas se soumettre à quelqu’un, pas à nouveau. Ce qui lui attira beaucoup d’ennui. Et ainsi une nouvelle réputation. Il était heureux ainsi.